La difficulté de saisir l’idée d’un œil qui n’est pas soumis au temps, l’œil dans la matière dont parle Deleuze dans le chapitre « l’Image-perception » de L’Image-mouvement, nous vient peut-être justement du fait, par lui exprimé, que toute image-vivante forme un centre autour duquel l'univers s'incurve et s'organise. Elle exprime peut-être tout à fait l’idée que la durée soit une affaire d’abord absolument qualitative qui, lorsque nous parlons de mouvement, place le trait transformatif avant celui de déplacement.
Tout en permettant un décentrement du soi par rapport au Tout, elle explicite justement le fait que toute durée ne peut être vécue qu’en tant que qualité et que le temps est absolument relié au sujet qui le vit. Une expérience de temps est donc toujours cadrée par une juxtaposition des faits parallèlement à l’interpénétration beaucoup plus folle et désorganisée d’états internes comme des sensations et des émotions, impliqués dans l’expérience à différents niveaux de conscience.
De nous sortir de « notre expérience » du temps, nous permet alors de concevoir que des faits émergent ici et là dans le cadre d’un plan d’immanence qui les englobe tous sans distinction et c’est pourquoi Deleuze parle du « Ciné-œil » de Vertov en tant qu’entité ayant « vaincu le temps » et accédant à un « négatif du temps ». Par extrapolation, nous pourrions imaginer que tout le passé et le futur convergent dans ce « négatif du temps », donc que la veille et le lendemain existent déjà dans un virtuel qui ne demande pas plus que d’être manifesté à travers l’expérience d’une conscience.
« Il en résulte de cette analyse que l’espace seul est homogène,
que les choses situées dans l’espace constituent une multiplicité distincte, et
que toute multiplicité distincte s’obtient par un déroulement dans l’espace.
Il en résulte également
qu’il n’y a dans l’espace ni durée ni même succession,
au sens où la conscience prend ces mots :
chacun des états dits successifs du monde extérieur existe seul,
et leur multiplicité n’a de réalité
que pour une conscience capable
de les conserver d’abord,
de les juxtaposer ensuite
en les extériorisant les uns par rapport aux autres. »
chapitre II – De la multiplicité des états de conscience,
p. 80 dans Œuvres, PUF, 1963.
1 comment:
Je suis d'accord, sauf que ce n'est pas un sujet mais un devenir-sujet qui est aussi perception...
Post a Comment