Friday, October 24, 2008

Fabulation

«Jamais le mot de Nietzsche, ‘supprimez vos vénérations’, n’a été aussi bien entendu que par Perrault. Quand Perrault s’adresse à ses personnages réels du Québec, ce n’est pas seulement pour éliminer la fiction, mais pour la libérer d’un modèle de vérité qui la pénètre, et retrouver au contraire la pure et simple fonction de fabulation qui s’oppose à ce modèle.» (Deleuze, L’image-temps, 196)
Deleuze réussit ici encore une fois à briser une dichotomie facile, celle entre cinéma de fiction et cinéma documentaire, une séparation dont tout le monde reconnaît les apories et problèmes fondamentaux mais qui est quand même persistante et dont il est difficile de se défaire complètement. Le cinéma de Perrault, dont on a si souvent dit qu’il était un cinéma du réel, devient ainsi sous la plume de Deleuze un cinéma de fabulation; un des grands maîtres du documentaire devient l’artisan exemplaire portant les puissances du faux au cœur du récit cinématographique. Pour la suite du monde : Nietzsche aurait probablement dit pour la suite de la vie. Ce film nous offre bel et bien, non pas un regard nostalgique sur des fragments d’une réalité en voie de disparition, mais une véritable ode sur le pouvoir de fabulation et de création qui peut jaillir de la parole et de l’action de gens simples. Nietzsche n’aurait peut-être pas cherché, ni espéré trouver, son surhomme à l’Ile-Aux-Coudres, mais je ne peux m’empêcher de voir en Alexis un de ces généreux personnages, un «bon [qui] se laisse épuiser par la vie plutôt qu’il ne l’épuise, se mettant toujours au service de ce qui renaît de la vie, de ce qui métamorphose et crée.» (Deleuze, 185)

1 comment:

Erin Manning said...

j'adore cette idée - "pour la suite de la vie"...