Steve offre une formulation intéressante de l'image-son, de l'articulation entre l'image et le son à l'écran en soulignant que «l'image possède la force de s'approprier le son.» Les films de Lipsett, entre autres, nous forcent en effet à questionner l'image-son et sa capacité à créer des évènements qui ne sont plus ni uniquement visuels ni uniquement sonores mais audiovisuels. J'ai fait l'exercice de regarder Very Nice Very Nice (1961) de Lipsett une première fois avec le son et une seconde fois en coupant le son. La bande sonore pourtant hétéroclite (dans la même veine que celle de Free Fall et A Trip Down Memory Lane que nous avons vu en classe) semble vraiment avoir cet effet que mentionne Steve de donner du mouvement aux images fixes, d'intersecter avec les images et de créer des évènements audiovisuels où l'on ne peut plus distinguer l'effet spécifique du son de celui de l'image. Les films de Lipsett gardent néanmoins un grand potentiel de déstabilisation. Les évènements audiovisuels auxquels ils nous confrontent ne sont pas intégrés à un déroulement unifié ou à un flot continu de mouvement mais se forment, se déforment et se reforment de façon plus ou moins imprévisible.
Le second visionnage de Very Nice Very Nice, sans le son, m'a évidemment permis de porter une attention accrue à certains détails et qualités de l'image. Le mouvement semblait ici provenir de la différence, de l'écart, entre la texture et le grain des images, et non plus du rythme 'imposé' par la bande sonore. Ce mouvement subtil me semble être proche de «l'imperturbable» que Pierre Hébert considère, au début de son essai «Éloge de la fixité», comme la perte (presque) inévitable et inverse résultant de l'ajout du mouvement au dessin fixe. Si les techniques de prédilection respectives de Lipsett et Hébert ont peu à voir les unes avec les autres, j'ai toutefois l'impression que l'on peut rapporter leur démarche à cette possibilité, évoquée par Hébert, «d'animer l'imperturbable» en essayant d'échapper à l'empire de l'indubitable et à l'hégémonie du mouvement sur l'image (p. 17). Sans le son, les images de Very Nice Very Nice m'ont permis de voir comment le mouvement pouvait être retenu tout en se déployant. Cela étant dit, je ne veux pas insinué que la bande sonore gâche cet effet ou range le film dans le domaine de l'indubitable. L'image-son et ses différentes articulations me semblent cependant, à ce stade-ci, encore trop complexes pour être capable de cerner l'effet de la bande sonore sur cette sensation «d'imperturbable».
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