Dans le concept des « cristaux de temps » de Deleuze, nous avons un point d'indiscernabilité où se rencontrent l'image actuelle d'un présent qui passe et l'image virtuelle d'un passé qui se conserve. Nous avons ici affaire à un point préalable à toute distinction entre activité ou passivité. Un point préalable à toute différenciation entre passé, présent, futur, où le virtuel et le l’actuel se renvoient l’un à l’autre symétriquement, systématiquement et simultanément.
Mais le renvoi de l’actuel au virtuel en tant que cercle fermé, en tant que point d’indiscernabilité, est voué à un éventuel éclatement : « Il n'y a jamais, en effet, de cristal achevé ; tout cristal est infini en droit, en train de se faire, et se fait avec un germe qui s'incorpore le milieu et la force à cristalliser. » (Gilles Deleuze, L’image-temps, Les Éditions de Minuit, 1985, p. 117) . Chaque instant, pris séparément, enfermerait multiples directions autour d’un noyau et le cristal ne demande qu’à exploser pour s’épanouir librement dans un futur inespéré, bien que déjà inscrit dans le cristal de temps.
À partir du point d’indiscernabilité, le passé latent moule le futur. Tel le bindu, point central du mandala Sri Yantra, c'est un point qui possède une force d'impulsion créatrice. Suite à la cristallisation initiale des principes de l'actuel et du virtuel, le cristal – disons peut-être même qui sait tout simplement : un instant quelconque - fait son apparition pour altérer - affecter - le cours des choses.
Le Sri Yantra représente toutes les parties du Tout : c'est une représentation où la multiplicité est soutenue par l'unité primordiale du bindu au centre. Arriver à une compréhension de l'unité à partir de la multiplicité où nous nous situons implique le mouvement contraire au courant de la vie qui pourrait correspondre à la question de Deleuze : comment entrer dans le cristal ? Voir le cristal de temps en tant que « multiplicité temporelle » autour d'un point d’indiscernabilité implique ainsi la possibilité de tracer des lignes virtuelles à partir d’un instant quelconque et de voir comment cet instant fleurit : « le visionnaire, le voyant, c’est celui qui voit dans le cristal, et, ce qu’il voit, c’est le jaillissement du temps comme dédoublement, comme scission. » (Gilles Deleuze, L’image-temps, Les Éditions de Minuit, 1985, p. 109).
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