Dans
Mille Plateaux, Deleuze et Guattari donnent l’exemple du rhizome pour établir une conception non-hiérarchique dans laquelle on entre par n’importe quel côté et où chaque point se connecte à n’importe quel autre. Fidèle à ce concept rhizomique, le temps chez Deleuze est d’abord doté d’une ouverture infinie. Dans le cas du cinéma, par exemple, le temps n’est donc pas soumis au montage, mais ressort directement de l’image à travers le plan. Ce qui signifie qu’à l’intérieur même d’un plan se retrouve déjà un passé et un futur où les limites avec le présent seront toujours assez floues pour qu’en l’image soit contenue toute la structure qui d’elle en découle, tel les fractals.
Cette conception du temps se retrouve à avoir une double nature du temps, soit virtuelle et actuelle. Dans
The Present Moment in Psychotherapy and Everyday Life, Daniel N. Stern développe un type spécifique d’entrevue qu’il appelle « micro- analytique ». À partir de cette dernière, est conçu un axe horizontal qui exprime le temps numérique, soit disant linéaire, et sur un axe vertical est apposée toute tentative d’exprimer ce qui se a trait au domaine de l’intensité comme sensations, sentiments, ce que la mémoire éveille, soit tout ce qui peut habiter virtuellement l’expérience. Dans ce lapse de temps qui peut durer tout au plus dix secondes, est compris le passé duquel découle le moment présent tout aussi bien que le futur vers lequel il se dirige. À l’intérieur de ce micro-instant, pourrait être compris tout le schéma d’action à travers lequel un individu se positionne dans le monde.
« Ce que nous appelons normalité, c’est l’existence de centres : centre de révolution du mouvement même, d’équilibre des forces, de gravité des mobiles, et d’observation pour un spectateur capable de connaître ou de percevoir le mobile, et d’assigner le mouvement. Un mouvement qui se dérobe au centrage, d’une manière ou d’une autre, est comme tel anormal, aberrant. (…) Or, le mouvement aberrant remet en question le statut du temps comme représentation indirecte ou nombre du mouvement, puisqu’il échappe aux rapports de nombre. Mais, loin que le temps lui-même en soit ébranlé, il y trouve plutôt l’occasion de surgir directement, et de secouer sa subordination par rapport au mouvement, de renverser cette subordination. Inversement, donc, une présentation directe du temps n’implique pas l’arrêt du mouvement, mais plutôt la promotion du mouvement aberrant. »
Gilles Deleuze, L’image-temps, Les Éditions de Minuit, 1985, p. 53.
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